mercredi 24 décembre 2008

Ciccolini / Pogorelich

D’abord l’on jauge la silhouette, puis l’allant, la tournure, le pas. Puis vient la musique. L’autre soir, salle Pleyel, à Paris, Ciccolini avait cette démarche incertaine du petit homme de 83 ans, la silhouette, donc, biscornue, mais l’esprit déjà dans les étoiles, présence intacte et prodigieuse. A l’image de Claudio Arrau à la fin de sa vie, Aldo Ciccolini est un grand maître inégalable par son phrasé d’une sensibilité exigeante. C’est Nicole Duault, qui souligne, article à lire sur altamusica.com, Ciccolini, ses mains aux doigts recourbés sur l’instrument nous replongent dans l’univers de Cortot. L’effleurement suave du clavier, la pertinence sonore, Saint-Saens, Schubert, Debussy, en toutes choses une vraie leçon de musique. Ciccolini est un jeune pianiste de 83 ans.

Jauger la silhouette, l’allant, la tournure, le pas. Puis la musique. Jeudi dernier, salle Gaveau, le chauffage étouffait la cohue des grands soirs, note Sylvain Fort sur son blog, Allegro ma non troppo. "Pogorelich était annoncé. Et enfin il entra. Triste… et beau". "Celui qui ressemblait jadis à un prince Dalmate arbore désormais la mine désabusée et le crâne rasé d’un poète déchu. La démarche, lente et timide, moins chaloupée que chavirante. La présence face au piano, impérieuse. Mais la salle, enfiévrée par la présence du génie et des radiateurs poussés à fond, allait bientôt devoir subir la douche tiède d’un programme désolé et d’une interprétation étrange et funèbre."
"Un jeu comme au ralenti", poursuit Sylvain Fort, "où ce qui devrait être vigoureux… est rageur. Ce qui devrait être tendre… est attristé. Chopin mené avec de puissants éclats mais avec la couleur du regret. Puis Gaspard de la nuit, défiguré, à moins qu’il ne fut transfiguré, Gibet d’une folle audace, Scarbo rageur et infiniment amer.
Au sortir, un Monsieur tout chiffonné donnait son verdict
: « C’etait… tristounet ». Tristounet", conclut mon confrère ? "Allons, c’était désespéré. Donc salubre. Donc magnifique".

(France Musique, 30 octobre 2008)

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