mercredi 24 décembre 2008

Sur un plateau du Mato Grosso, Chopin...

A défaut de Prix Nobel, Claude Lévi-Strauss, cette année, sera entrée de son vivant dans l’édition de la Pléiade, la chose est rare, le grand homme valait bien ça. 100 ans le 28 novembre prochain, France Musique lui consacrera pour l’occasion une journée spéciale. On lira d’ici là l’ouvrage savant, sinon ardu, mais sans concession de l’excellent Jean-Jacques Nattiez. Son titre, Lévi-Strauss musicien, et d’ailleurs note aussitôt l’auteur, « un livre analogue au mien pourrait être consacré aux rapports entre Lévi-Strauss et la peinture, notamment pour étudier son rejet de courants majeurs du 20ème siècle : l’impressionnisme, le cubisme et l’art abstrait. Il est devenu un de ces grands intellectuels dont l’élégance d’écriture, l’originalité de pensée et l’acuité des prises de position expliquent l’aura et le charisme de la personne et de son œuvre ».
Mais la musique, donc. Qui traverse de part en part la trajectoire intellectuelle de Levi-Strauss. Une passion, qui accompagne au quotidien son travail d’écriture. Et pour ses lecteurs, une sensibilité qui éclate dans Tristes tropiques, en 1955.
Extrait : « Pendant des semaines, sur ce plateau du Mato Grosso occidental, j’avais été obsédé, non point par ce qui m’environnait et que je ne reverrais jamais, mais par une mélodie rebattue que mon souvenir appauvrissait encore. Celle de l’Etude n°3 opus 10 de Chopin, en quoi il me semblait, par une dérision à l’amertume de laquelle j’étais aussi sensible, que tout ce que j’avais laissé derrière moi se résumait.
Pourquoi Chopin, vers qui mes goûts ne m’avaient pas particulièrement porté ? Au moment où je quittai la France, c’était Pelléas qui me fournissait la nourriture spirituelle dont j’avais besoin. Mais je me disais que le progrès qui consiste à passer de Chopin à Debussy se trouve peut-être amplifié quand il se produit dans l’autre sens. Les délices qui me faisaient préférer Debussy, je les goûtais maintenant dans Chopin, mais sous une forme implicite, incertaine encore. J’aimais Chopin par excès, et non par défaut comme fait celui pour qui l’évolution musicale s’est arrêtée à lui
».

(France Musique, 10 octobre 2008)

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