mercredi 24 décembre 2008

L'homme animal


L’opéra de Paris célèbre ces jours-ci ses monstres sacrés, Béjart, et puis Rudolf Noureev (photo, D.R.) : on reprend pour les fêtes sa chorégraphie de Raymonda. De la présence d’un héros, 16 ans, bientôt, après qu’il eut disparu. Violette Verdy, qui fut juste avant lui, la directrice de la Danse à l’Opéra, raconte, « le mystère du choc total, la rencontre avec Rudy. Une danse qui s’imposait comme l’expression d’un combat, d’une victoire, d’un destin. Extrêmement sauvage et extrêmement sophistiquée. Le classicisme le plus pur et le plus raffiné s’y imprégnait de sensualité et de paganisme. Noureev, c’était violence et tendresse. Fougue tatare et haute école. »
Monstre sacré, disais-je, et pour comprendre chacun de ces termes dans son acception précise, il faudra lire la biographie conséquente et sans complaisance que Julie Kavanagh a consacré à Noureev. La traduction tarde à venir en France, mais le New Yorker en avait fait un compte rendu exhaustif.

« L’homme animal », ainsi que l’avait surnommé François Truffaut, l’enfant sauvage qui résista au communisme. « We want Rudy in a Nudy » criaient les fans, "nous voulons Rudy nu", et Dieu sait que cela lui plaisait, à Noureev, lui qui était tant obsédé par la scène, par le succès, par lui-même. Noureev qui laissait tomber les ballerines qui ne lui plaisaient pas, qui déchirait ses costumes, qui lançait des thermos dans le miroir. Noureev, qui fractura la mâchoire, un jour, d’un collègue rétif à ses remarques. Le chorégraphe Jerome Robbins, après une répétition un peu mouvementée, avait eu ce mot : « Noureev est un artiste, un animal... et un con ». En deux mots, un monstre sacré. Une vie d’homme brûlée et perdue dans l’art. Tour à tour Faune et Corsaire, Pierrot lunaire, Roméo et Petrouchka, Apollon Musagète, Quichotte et Oiseau Bleu. Un héros de notre temps. Un grand feu dévorant.

(France Musique, 12 décembre 2008)

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