mercredi 24 décembre 2008

Petits poisons

Stanislas Merhar est comédien, il a 37 ans, un parcours plutôt
bien sélectif, Adolphe, au côté d’Adjani, des films signés Oliveira, Chantal Akerman, Anne Fontaine, ou bien encore Michel Deville. Il publie ces jours-ci un beau récit de salvation, intitulé Petits poisons, le cinéma et les femmes y tiennent bien sûr une place de choix, mais aussi et surtout la musique. Car avant de faire l’acteur Stanislas Merhar toucha du piano, plutôt bien dit-on, passage par l’Ecole normale de Musique et puis à 20 ans, le jeune homme décide de tout plaquer. Je ne sais pas d’ailleurs si ce sont ses origines slovènes, mais il y a dans le regard, extrêmement mélancolique, dans ce visage pâle taillé à la serpe quelque chose qui rappelle un grand pianiste celui-ci, Ivo Pogorelich. Bref, Petits poisons, c’est en grande partie l’histoire de cette relation passionnelle, l’emballement, l’amour-fusion, puis le temps venu, la détestation du piano. Tout commence ainsi, par ces quelques éclats de récit, que je vous livre en vrac. « D’abord le mot m’a plu. Le mot et le meuble. Quart de queue. A quel point c’est grand, solennel, solitaire. Ensuite j’ai aimé tout, le mot, les touches, la tonalité, la totalité. Des moments précis, dans Rachmaninov et Chopin, juste une respiration, toute la journée, même la nuit. La sonorité m’envahit, sa réalité, son expansion. Faire sonner le piano, sortir le son, je sais faire. Mes doigts, ma nuque tendus, j’apprends mal, pas assez assidu, mais le son, je le fais. Personne ne me l’a appris. Je lutte, aussi, pour que la musique reste ma passion. J’en ai écouté trop, trop jeune. A force de s’injecter des nocturnes et des arias, la musique fait du dégât. Un bleu, plus sombre que le noir chez Schubert. Le chant de Chopin. Chez Schumann, la noyade. A scooter avec mon walkman, la musique et moi avons formé une association de malfaiteurs ».

(France Musique, 4 novembre 2008) - Photo Paris Tout Court 2007

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