mercredi 24 décembre 2008

American dream

La crise aura donc valu aux Etats-Unis un président porteur d’espérance, mais elle aura eu raison du Flamand le plus flambant du petit monde lyrique. Gérard Mortier jette l’éponge, la nouvelle est officielle depuis samedi soir, le patron de l’Opéra de Paris renonce à prendre les rênes du New York City Opera qu’il devait diriger à partir de l’automne prochain. « Je ne vais pas aller à New York avec 36 millions de dollars », déclare Monsieur Mortier. 36 millions, c’est le budget sévèrement revu à la baisse du New York City Opera. Conjoncture oblige, donc, là où l’institution lyrique avait promis 60 millions pour financer les très ambitieux projets de Gérard Mortier et de ses amis régisseurs. Le Belge ne désarme pas, néanmoins, qui cherche d’ores et déjà de nouveaux lieux pour accueillir quelques-unes des commandes passées.
Un opéra de Philip Glass autour de la vie de Walt Disney, ou bien encore une adaptation de Brokeback Mountain. Mais exit, pour l’instant, le bel et fol espoir de faire la nique au Metropolitan Opera, qui lui, l’air de rien, poursuit sa tranquille révolution, voir la dernière production en date de La Damnation de Faust, confiée à l’excellent mais toujours discret Robert Lepage qui bientôt, également, s’attaquera au Ring.

Gérard Mortier aura donc été l’une des victimes sacrificielles de la crise mondiale. Gageons, et espérons, que ce cruel épisode lui aura ouvert les yeux plus grands, peut-être, qu’ils ne l’étaient sur ce qu’il est coutume d’appeler aujourd’hui « l’économie réelle ». Je veux dire une maison d’opéra qui ne fonctionne pas seulement selon le bon vouloir du Prince, c’est ainsi pourtant que les choses vont en France. Rappelons que le budget de l’Opéra de Paris s’élève à 160 millions d’euros, financé exclusivement par le contribuable, un opéra… populaire, c’était le beau slogan de 1989. On sait ce qu’il en est de l’avenir des slogans. Il sera temps, quand Monsieur Mortier aura quitté ses fonctions, de faire les comptes. En attendant, les tenants de la fameuse mais coûteuse exception culturelle française auraient peut-être finalement quelques leçons d’humilité, sinon d’économies, à prendre de nos amis américains.
(France Musique, 10 novembre 2008)

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