mercredi 24 décembre 2008

Du beau et du faux

J’ai bien cru devoir me pincer, l’autre jour, en lisant dans l’hebdomadaire Marianne et sous la plume de notre confrère Benoît Duteurtre, l’once d’un début d’éloge de Pierre Boulez, « l’un des chefs essentiels de notre époque »… osait notre audacieux confrère. Mais c’était pour mieux occire le compositeur, une nouvelle et énième fois, « Boulez, penseur de la musique surtout connu pour son sectarisme ». L’auteur polémique du Requiem pour une avant-garde n’en aura donc jamais fini de ronger le même os, on se dit que les années passant il doit commencer à laisser un drôle de goût, un peu aigre, un peu amer...
Mais "est-ce à dire que la critique musicale qui a malmené Berlioz, éreinté Stravinsky et assassiné Schoenberg aurait-elle toujours tout faux ?" Question posée dans les colonnes de Diapason, ce mois-ci. Déjà en son temps, rappelle Emmanuel Reibel, Bach dut essuyer des critiques qui nous semblent incongrues aujourd’hui. Faut-il rappeler que Berlioz a méprisé Schumann, Wagner honni Mendelssohn. Faut-il rappeler ce mot d’un certain… Pierre Boulez, « si l’on me démontrait que Schubert a vraiment fait de la musique, cela signifierait que moi, je n’en ai pas fait ». Tout le monde peut donc se tromper… et de la subjectivité du beau, « pour que la critique commette des « erreurs », écrit Emmanuel Reibel, il faudrait in fine que les œuvres aient une valeur objective. Or depuis le 18ème siècle, le Beau ne se détermine plus de façon absolue : on ne saurait juger d’une œuvre en fonction de règles prédéfinies ou d’un canon esthétique. »

Allez, un court florilège pour conclure. Dans Gil Blas, en 1905, et sous la plume d’un certain Louis Schneider : « A force de regarder la mer par le petit bout de la lorgnette, comme le fait monsieur Debussy, il vous donne l’impression du bassin des Tuileries ». Debussy, justement, qui salua Le Sacre du printemps par ces mots : « Une musique de sauvage avec tout le confort moderne ». Beethoven, enfin, l’un des premiers visés par la critique. A propos de sa Deuxième symphonie ? « Un monstre grossier, un dragon blessé qui se débat furieusement, qui ne veut pas mourir mais qui s’épuise jusque dans le Finale à frapper de sa queue enragée tout ce qui l’entoure ».
(France Musique, 2 décembre 2008)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire