mercredi 24 décembre 2008

Saint-Ambroise

Dimanche prochain, et sans vouloir jouer les Cassandre, il se pourrait bien, néanmoins, que les portes de la Scala soient closes. Dimanche prochain, nous serons le 7 décembre, c’est le jour rituel d’ouverture de la saison scaglière, autant dire qu’à Milan et dans toute l’Italie la menace de grève, prend le tour d’une affaire d’Etat. C’est que chaque année, ce 7 décembre est tout autant fête musicale que mondaine, comme le rappelle Pierre-Jean Rémy dans son Dictionnaire amoureux de l’Opéra. « Il fut un temps, (et sans doute ce temps perdure-t-il), où obtenir un siège pour cette soirée-là constituait un véritable tour de force pour ceux qui ne faisaient pas partie des happy few, le gratin de l’argent, de la mode, de la jet-set et de toute l’aristocratie réunies, véritables ou d’occasion. »
Mais l’on aurait tort, cependant, de prendre l’affaire à la légère. C’est qu’il y a sans doute derrière les revendications salariales d’une grande partie des musiciens et des ouvriers de la Scala une crise profonde d’identité. Il y a belle lurette que le théâtre milanais n’est plus au centre du monde lyrique. L’époque où tous les grands chanteurs jouaient du coude, du coup bas et du croc en jambes, pour s’y produire est révolue. Les carrières se jouent à présent à Londres, à New York, à Vienne et à Salzbourg, voire sur une ou deux scènes allemandes. Le temps d’une Callas (photo, D.R.) qui saluait, depuis la scène de la Scala, un Toscanini venu l’écouter, dans la salle, est loin derrière nous. Et peut-être est-ce là, d’ailleurs, que le bât blesse. A force de se croire omnipotents, quelques intendants d’opéras ont tout simplement oublié que l’histoire de ces grandes maisons est avant tout l’histoire du chant et l’histoire de la musique. A la Scala sont liés pour l’éternité les noms de Toscanini, de Victor de Sabata, de Giulini, d’Abbado et de Muti. Et cela n’est peut-être pas tout à fait un hasard si, l’été dernier, au beau milieu d’une Bohème, une pluie de tracts tombée du poulailler appelait au retour des grands chefs. « Ridateci Muti e Abbado! » Rendez-nous Muti et Abbado, rendez-nous nos grands chefs, fussent-ils rivaux… C’est qu’en Italie, l’opéra est affaire de cœur, de sang et de tripes, affaire d’Etat vous disait-on, alors… vivement dimanche !...
(France Musique, 1er décembre 2008)

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